La théorie de l'apprentissage 
appliquée au Taïji Quan et au Qi Gong 
Francis BRAILLON professeur  d'arts martiaux D E -  d'après  Barbara KNAPP Sport et motricité  éditions VIGOT

 L’habileté motrice

 Dans une activité physique les actions visibles en constituent la part essentielle. En même temps les habiletés motrices mettent en jeu une activité mentale engendrée par la mémorisation par répétitions et le raisonnement verbal. 

Nous parlerons de l’acquisition de « techniques » à travers les différentes étapes d’apprentissage.

 Nous transformerons nos habiletés motrices acquises en un savoir faire nous permettant de mettre en application des lois de la biomécanique du sport à travers les mouvements étudiés. 

Toutes les habiletés sont sensori-motrices, les informations issues des organes des sens ainsi que les ordres émanant du cerveau sont aussi importants dans l’exécution d’une technique que l’aspect proprement moteur.

 Deux types d’habiletés motrices 

1-Les habiletés motrices globales sont celles qui mettent en jeu des groupes musculaires importants.

 2-Les habiletés motrices fines sont celles dont l’amplitude des mouvements est limitée. 

Deux types d’habiletés, interdépendantes en particulier dans les apprentissages moteurs que nous aurons à étudier.

 Par exemple, dans un mouvement de contrôle du déplacement de la main dans l’espace nous aurons la combinaison des deux types d’habiletés dans la majorité des techniques du Taïji Quan et du Qi Gong.

 – L’une globale par l’utilisation chronologique des muscles des jambes puis de ceux du tronc pour l’orientation des membres supérieurs dans l'espace afin d'assurer la stabilité et les transferts de force. 

– L’autre fine pour le contrôle de la main pour l’exécution d’une technique spécifique en fonction d'une intention prédéterminée.

 L’habileté motrice générale et l’évaluation d’une capacité 

La définition selon laquelle l’habileté motrice générale est la capacité acquise d’atteindre des résultats déterminés avec un maximum de réussite, et souvent avec un minimum de temps ou/et d’énergie, implique que dans des habiletés complexes, une personne peut être plus ou moins habile car la perfection ne peut être atteinte. 

Nous serions tentés de rajouter que l’excellence est alors le but à rechercher. La recherche de la perfection est une histoire sans fin, en revanche la quête de l’excellence doit être notre principal objectif dans nos pratiques.

 Afin d’éviter une décision arbitraire lorsque nous disons qu’un individu a atteint un certain niveau dans sa pratique, nous laissons à chacun la découverte de sa propre progression. C'est-à-dire que les moyens utilisés pour réapprendre à mettre notre corps en mouvement vont créer de nouvelles sensations qui par l’intermédiaire de nos capteurs sensoriels nous permettrons de prendre conscience du geste juste.

 La mémorisation par répétition et le raisonnement verbal vont nous aider à les retenir et à les fixer dans notre mémoire. La notion de résultat n’est plus laissée à l’appréciation d’un œil extérieur. Elle vient aussi de l’exécutant lui-même qui par sa pratique a développé une capacité à analyser la position de son corps dans l’espace et a assisté, de l’intérieur, à l’apparition de changements sensoriels progressifs.

 Nous entrevoyons la possibilité d’acquérir une forme d’autonomie, par le développement de la conscience corporelle, en apprenant de nouvelles habiletés motrices.

L’apprentissage

 La définition de l’habileté motrice générale a posé que celle-ci était acquise par l’apprentissage. Mais tous les apprentissages n’aboutissent pas à une habileté motrice car on peut apprendre des actions inefficaces ainsi que des mouvements qui ne permettent pas d’atteindre les résultats attendus. Nous verrons que le respect des lois de la biomécanique humaine nous permettra d’éviter cette dérive.

 L’apprentissage est le processus neurologique interne supposé intervenir à chaque fois que se manifeste dans la progression un changement. 

Les progrès d’un individu peuvent se modifier en raison de la fatigue, de l’émotion ou des conditions environnantes. L’apprentissage est considéré comme un changement plus ou moins permanent dans la pratique, associé à l’expérience.

 Il évolue avec l’individu qui doit au fil du temps évaluer ses résultats en adaptant, avec l’aide de l’enseignant, les exigences techniques à sa capacité.

 Nous faisons ce que nous pouvons avec le corps que nous avons en adaptant les principes de la biomécanique à nos possibilités du moment présent. 

 Une fois ressenti le geste juste est la quête du pratiquant jusqu'à sa stabilisation et son perfectionnement.

 Les processus de l’apprentissage 

 L’apprentissage ne se fait pas de façon linéaire et continue. Nous apprenons par l’alternance d’essais et d’erreurs. C'est ce qui nous permet de nous perfectionner. Il est évident que nous ne pouvons apprendre tout, tout de suite, sans avoir besoin de recommencer un bon nombre de fois, avant de comprendre, de faire, et de mémoriser ce que nous étudions. Les facteurs de motivation et de volonté sont déterminants pour une réelle progression. Tout progrès ne peut s’inscrire que dans la durée et la régularité de l’apprentissage.

" Hâtez - vous lentement, et, sans perdre courage, Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage:

 Polissez - le sans cesse et le repolissez "    Nicolas Boileau

Les courbes d’apprentissage

 Il est bon de connaître leur existence de façon à mieux comprendre où nous nous situons lors de notre progression. Nous passons par des phases diverses qui peuvent nous rendre euphoriques lorsque tout devient facile ou déprimés lorsque nous avons l’impression de ne plus rien savoir. Nous avons nos propres courbes d’apprentissage, nous ne pouvons donc pas comparer nos progrès à ceux du voisin.

 -Il peut y avoir une période pendant laquelle il ne se produit pas d’apprentissage mesurable. La ligne de courbe est horizontale. Un travail s’effectue au sein de l’organisme sans qu’il ne se manifeste extérieurement. 

-Il peut y avoir une période au cours de laquelle les progrès enregistrés pendant les dernières séances sont plus élevés que dans la première phase d’apprentissage. La ligne de courbe est dite de gains croissants, c’est ce que l’on appelle une courbe d’accélération positive. 

-Il peut y avoir une longue période au cours de laquelle les gains acquis seront inférieurs à ceux obtenus précédemment. La courbe sera alors décroissante, c’est ce que l’on appelle une courbe d’accélération négative. C’est souvent la courbe que l’on rencontrera au niveau du perfectionnement de l’habileté acquise.

 -Il peut y avoir une période au cours de laquelle rien ne se passe, car les répétitions ne s’accompagnent d’aucun progrès. Nous sommes arrivés alors à ce que l’on appelle un plateau ou période de progrès interrompu.

 Dans nos activités motrices complexes nous serons confrontés à ce genre de situation. Si l’effort est poursuivi suffisamment longtemps cette période de stagnation s’achève souvent par une soudaine émergence d’une capacité qui nous permet d’atteindre un niveau technique nettement supérieur.

Les causes de l’apparition des plateaux lors de l’apprentissage

 Lorsque nous commençons l’apprentissage d’une habileté motrice nous le faisons avec enthousiasme et intérêt. Nous pouvons utiliser nos expériences motrices acquises dans d’autres activités pour faciliter la découverte de nouveaux schémas corporels. Nos progrès seront évidents et nous sembleront rapides.

 Progressivement la vitesse d’acquisition diminuera, ce qui pourra nous décourager. Les personnes dilettantes ne dépasseront jamais ce stade. La lenteur des progrès peut nous amener à penser que l’activité n’en vaut pas la peine et la progression cessera faute de motivation et d’intérêt. 

Un plateau peut aussi se produire quand une habileté motrice n’est pas totalement automatisée et que le pratiquant est trop sûr de lui. Il pense que la tâche est facile et ainsi ne se concentre pas autant qu’il le faudrait. Les mauvaises habitudes acquises pendant l’apprentissage peuvent être également une cause importante de l’apparition de plateaux. 

Par un enseignement approprié de nombreux plateaux peuvent être évités mais dans nos habiletés complexes nous verrons que certains d’entre eux sont inhérents au processus même d’apprentissage et par conséquent doivent apparaître.

 La connaissance de ces faits vous aidera à franchir ces périodes de doute. Vous pourrez ainsi plus facilement comprendre les difficultés rencontrées, les aborder et les accepter comme des passages obligatoires.

 Les motivations 

Les motivations que nous rencontrons sont de deux ordres.

 – La motivation intrinsèque pour les disciplines que nous pratiquons et le plaisir que nous apporte cette pratique. 

 – La motivation extrinsèque est elle, liée à ce que nous apporte la pratique d’une activité. Par exemple la reconnaissance d’une capacité à faire les exercices demandés, la satisfaction personnelle que nous donne la reconnaissance d’un savoir faire. 

 – Apprendre demande l’acceptation des difficultés qu’il est possible de rencontrer lors de l’apprentissage. Nous verrons comment dépasser ces difficultés du point de vue théorique et pratique.

 L'étude des disciplines de Taïji Quan et de Qi Gong demande une remise en cause permanente de l'acquis. Il n'y a pas de certitudes à avoir. Le geste est toujours perfectible car les sensations ne cessent d'évoluer avec le temps.

 Le pratiquant passe, progressivement, du quoi faire au comment faire, du comment faire au vouloir faire, du vouloir faire au faire, puis du faire au laisser faire. Il devient alors acteur - spectateur conscient.

Francis BRAILLON professeur  d'arts martiaux D E -  d'après Barbara KNAPP Sport et motricité  éditions VIGOT